Lettres ouvertes

Commentaires des manufacturiers au projet de Règlement sur la définition de certaines expressions pour l’application de la section IV du chapitre II de la Loi sur les contrats des organismes publics

14 avril 2023

Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ) tient à apporter un avis extérieur concernant le projet de règlement publié récemment. Rappelons que MEQ est une association dont la mission est d’assurer la croissance du secteur manufacturier et représente 1 100 entreprises aux quatre coins du Québec, dans tous les secteurs d’activités. À cet effet, le secteur manufacturier québécois emploie plus de 502 300 personnes et représente 12,6 % du PIB ainsi que 86,8 % des exportations. Il a généré des ventes globales de près de 213,2 milliards de dollars en 2022. Son importance pour l’économie québécoise est donc indéniable.

MEQ demande depuis longtemps que l’accès aux marchés publics soit facilité pour les entreprises implantées au Québec. D’ailleurs, nous avons salué la Stratégie gouvernementale des marchés publics et le projet de loi 12 visant principalement à promouvoir l’achat québécois et responsable par les organismes publics, permettant notamment de renforcer le régime d’intégrité des entreprises et à accroître les pouvoirs de l’Autorité des marchés publics.

C’est dans ce contexte que MEQ souhaitait émettre des commentaires concernant le projet de règlement, Règlement sur la définition de certaines expressions pour l’application de la section IV du chapitre II de la Loi sur les contrats des organismes publics, publié le 1er mars dernier.

Définition de « petites entreprises du Québec et d’ailleurs au Canada »

Tout d’abord, dans le règlement, il est proposé de définir l’expression « petites entreprises du Québec et d’ailleurs au Canada » par des entreprises comptant moins de 50 employés. Nous sommes d’avis que d’étendre la définition aux entreprises de moins de 99 employés serait plus réaliste et pertinent.

Se référant à la définition fédérale, une petite entreprise se qualifie en étant entre 20 à 99 employés. Pour des questions de concordance, il serait donc judicieux d’arrimer la définition proposée ici à celle de Statistique Canada. En étendant ce nombre, nous serions aussi en mesure d’élargir significativement le bassin d’entreprises visées et ainsi de donner plus de chances aux entreprises du Québec d’avoir accès aux marchés publics.

Source : Statistiques Canada. (18 août 2022). Nombre d’entreprises Canadiennes, avec employés, juin 2022
https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=3310056801

Définition « valeur ajoutée québécoise ou autrement canadienne » et transformation substantielle

En ce qui a trait à la question de l’expression « valeur ajoutée québécoise ou autrement canadienne », nous comprenons toute sa portée. Pour MEQ, l’important est d’établir une distinction claire entre un fabricant et un distributeur, car les retombées au Québec ne sont pas les mêmes et la valeur ajoutée est nettement différente.

En utilisant la notion de transformation substantielle, le gouvernement vient préciser cette idée en mentionnant qu’une transformation substantielle est « un changement fondamental des biens sur le plan de la fonction, du caractère ou de la nature qui leur confère leurs caractéristiques essentielles ». Toutefois, des questions demeurent. Qui aura la charge de définir ce qu’est un changement fondamental? Est-ce que l’entreprise devra fournir certaines preuves à cet effet? Qui tranchera?

Notons que le gouvernement du Québec a créé il y a près d’un an Produits du Québec avec des critères établis donnant accès à trois certifications[1]. Ainsi, pour que cela puisse être inclus et certifié un produit sous l’un des trois sigles Produits du Québec, des critères spécifiques sont établis afin de déterminer son admissibilité et catégoriser le type de produit en conséquence. À notre avis, la définition du règlement devrait s’inspirer de ces critères de manière à bien identifier les distributeurs des fabricants.

Marge préférentielle

MEQ tient à souligner qu’elle accueille favorablement la mise en place d’une marge préférentielle fonction de la valeur ajoutée québécoise ou autrement canadienne. Notons toutefois que, comme tous les éléments de la section IV, cela ne concerne que les contrats qui comportent une dépense inférieure au seuil minimal applicable en vertu de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et ses États membres. Ce sont donc des contrats de plus petite valeur qui ne représentent globalement qu’un faible volume.

Par ailleurs, nous comprenons que le plafond de marge préférentielle prévu est lié aux Accords de libre-échange. Cependant, il est important de vous souligner que l’étude de Richelle et Thibaudin (2020) mentionne que de manière générale, « d’un point de vue budgétaire, il est intéressant de s’approvisionner auprès de producteurs québécois tant que la différence, en pourcentage, entre le prix de leurs produits et celui des produits importés n’excède pas 17% »[2].

La fin attendue de l’application quasi systématique du plus bas soumissionnaire conforme

Depuis trop longtemps, la règle du plus bas soumissionnaire dicte le choix du gouvernement du Québec dans les contrats publics, au détriment de la qualité, de la durabilité, de l’innovation, de l’expertise et de la performance environnementale. MEQ profite de l’occasion pour rappeler au gouvernement l’importance de miser sur des paramètres favorisant les produits et services de qualité des entreprises qui fabriquent au Québec et au Canada, et ce, sans ne se fier qu’à la règle du plus bas soumissionnaire conforme.

Véronique Proulx, EMBA
Présidente-directrice générale
Manufacturiers et Exportateurs du Québec

 

[1] Les Produits du Québec. (2023). Marques de certification. https://lesproduitsduquebec.com/trouver-votre-marque-de-certification

[2] Richelle et Thibaudin. (2020). Soutien à l’investissement résidentiel et approvisionnement local des administrations publiques en période postCovid-19. http://consultations.finances.gouv.qc.ca/RelanceEconomique/propositions/RelanceEconomique_CIRANO_Richelle_Thibaudin.pdf