Lettres ouvertes
Pénurie de travailleurs, qui a un plan vraiment sérieux?
21 septembre 2022
Dans la dernière année, les entreprises du secteur manufacturier québécois ont laissé 18 milliards de dollars sur la table parce qu’elles n’ont pas assez de travailleurs pour livrer la marchandise.
Or, depuis le début de la campagne électorale, au-delà des débats théoriques entourant les seuils d’immigration, aucun parti n’a présenté une vision économique susceptible d’avoir un impact significatif sur la productivité. Car si l’immigration est une partie de la solution, elle ne règlera pas tous les problèmes et cela n’arrivera surtout pas par magie.
Parlez à n’importe quel chef d’entreprise. La pénurie de travailleurs est un enjeu criant et dévastateur qui mérite mieux que de vagues promesses. C’est aussi devenu un frein majeur à la création de richesses et de revenus pour l’État québécois. Et cela nous concerne tous.
Le secteur manufacturier, c’est 13 000 entreprises dans tous les coins du Québec qui génèrent près de 13 % du PIB et emploient près d’un demi-million de Québécoises et Québécois. Les salaires y sont plus élevés que la moyenne. Et dans certaines régions, ces entreprises sont des poumons économiques importants.
Il est donc plus que temps que les partis dans la présente campagne expliquent comment ils vont contribuer à répondre à deux défis majeurs : avoir accès aux talents en quantité et qualité et accélérer l’intégration de nouvelles technologies.
Chaque talent compte!
Le mythe du cheap labor est révolu. Les 31 000 emplois actuellement disponibles dans le secteur manufacturier requièrent des compétences. Les postes les plus difficiles à combler sont les postes de journaliers, d’opérateurs, de soudeurs, de machinistes, de manœuvres, d’assembleurs, de techniciens, de mécaniciens et d’ingénieurs. 50 % des postes affichés offrent des salaires de 20 à 29 $ de l’heure selon une étude récente.
Le manque de travailleurs entraîne un impact direct sur les retombées économiques en région, mais aussi sur le report des investissements et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.
Alors, oui, l’immigration est une solution, mais les seuils ne représentent qu’une partie de l’équation. Qui nous donnera des réponses aux questions suivantes?
- Comment favoriser la rétention des immigrants temporaires qui travaillent en région et qui ont les compétences requises ?
- Quel est le plan en région pour soutenir une capacité d’accueil suffisante tant pour les travailleurs étrangers temporaires que permanents (logement, transport, garderies, écoles, organismes communautaires)?
Investir dans la technologie
Le Québec affiche toujours un retard significatif en matière de productivité en comparaison des pays de l’OCDE.
Les entreprises d’ici pour se démarquer ont adopté un modèle industriel basé sur des petits volumes faits sur mesure. Cela représente donc un défi supplémentaire pour automatiser et robotiser nos usines. Le prochain gouvernement devra en faire davantage pour accompagner nos PME manufacturières afin d’accélérer l’intégration de nouvelles technologies.
Qui donc a un plan pour expliquer :
- Quelles sommes seront investies dans la numérisation des entreprises?
- Quel est le soutien qui sera apporté aux entreprises dans leur modernisation?
Parlons des vraies affaires!
Les seuils en matière d’immigration entraînent un faux débat et détournent l’attention du débat de fond sur la vision économique de chaque parti. Bien sûr, les questions d’identité et de langue sont importantes, mais un accueil en milieu de travail réussi n’est-il pas le meilleur vecteur d’intégration?
Dans notre plus récent sondage, plus de 15 % des entreprises songeaient à déménager ou à déplacer une partie de leur production à l’extérieur du Québec. N’est-ce pas là un enjeu assez important pour qu’on s’y attarde sérieusement?
À moins de deux semaines du scrutin, nous demandons quelles sont les mesures spécifiques pour maintenir et augmenter les niveaux de production manufacturière au Québec.
Ce n’est pas tout de se dire fier de nos entreprises manufacturières. Cette fierté doit se traduire par des gestes concrets.
Véronique Proulx
Présidente-directrice générale
Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ)