Lettres ouvertes

Le silence fédéral menace notre secteur manufacturier

15 septembre 2025

Contexte

Alors que la rentrée parlementaire s’amorce à Ottawa, les entreprises manufacturières du Québec attendent toujours, depuis des mois, une réponse du gouvernement fédéral sur l’avenir du Programme des travailleurs étrangers temporaires (TET) et sont dans le néant. À l’heure où on se parle, les travailleurs commencent à partir et l’incertitude persiste. Cette incertitude paralyse nos projets, mine la confiance des entreprises de chez nous et menace directement la vitalité économique de nos régions.

Tout ça, parce que le gouvernement fédéral refuse de mettre en œuvre une « clause grand-père » pour les TET, dont nous avons désespérément besoin, déjà établis dans les régions et les entreprises du Québec.

Le secteur manufacturier n’est pas un secteur parmi d’autres. Il représente 12,3 % du PIB du Québec, fait travailler plus de 501 500 personnes, génère 219 milliards de dollars de ventes chaque année et assure 86 % de nos exportations. C’est un pilier stratégique qui soutient non seulement la croissance économique, mais qui génère également des revenus, de la prospérité et assure le développement régional dans l’ensemble du Québec. De l’aéronautique à l’aluminium, en passant par l’agroalimentaire et la défense, le manufacturier est au cœur de nos chaînes de valeur. Pourtant, malgré ce rôle central, il se trouve aujourd’hui en première ligne de la crise de main-d’œuvre.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 11 000 postes demeurent vacants dans nos usines, et près du quart de la main-d’œuvre actuelle a déjà 55 ans et plus. Le recours aux TET n’est pas un luxe, c’est une nécessité pour maintenir nos chaînes de production actives et protéger les emplois des Québécois qui y sont liés.

Les manufacturiers ont pourtant pris leurs responsabilités. Dans les cinq dernières années, le salaire moyen dans le secteur a bondi de 25 %, atteignant 33,79 $ de l’heure. Les employeurs ont investi dans la formation, dans la robotisation, dans la modernisation des équipements. Mais augmenter les salaires et automatiser ne remplacent en rien des bras et des compétences : il n’y a pas assez de travailleurs disponibles pour répondre à la demande, c’est tout.

Ottawa doit agir, vite

Le gouvernement du Québec l’a compris. Il a appuyé la demande de Manufacturiers et Exportateurs du Québec pour une clause de protection des droits acquis (dite « clause grand-père ») afin de protéger les TET déjà établis dans nos régions. Cet appui est clair, ferme et responsable.

Il est temps qu’Ottawa entende ce consensus et confirme, sans détour, que cette clause sera appliquée. Dans les dernières semaines, les discussions avec Ottawa se déroulaient bien et nous avions même bon espoir que le premier ministre Carney, qui se qualifie lui-même de premier ministre « économique », reconnaisse l’importance du secteur manufacturier au Québec et qu’il prenne les décisions qui s’imposent pour le soutenir, pour le protéger. Malheureusement, plus rien. Plus de son, plus d’image : le gouvernement fédéral se défile et se plie aux considérations électoralistes du chef conservateur, Pierre Poilievre.

Ce silence est désormais injustifiable. Les manufacturiers québécois ne peuvent pas se permettre de naviguer dans le brouillard, encore moins pendant que nos compétiteurs internationaux déploient des stratégies offensives pour attirer et retenir la main-d’œuvre.

Le « mur-à-mur » n’a jamais fonctionné. Le secteur manufacturier québécois est distinct et il mérite d’être considéré ainsi. Les 44 députés libéraux fédéraux au Québec le savent, et ils doivent agir. Les six ministres fédéraux du Québec aussi, et ils doivent se tenir debout.

Pendant que nous attendons, d’autres pays agissent. Et chaque jour de retard creuse l’écart. Il serait malheureux que le gouvernement Carney donne l’impression d’être aussi éloigné des réalités du secteur manufacturier québécois que peut l’être le chef conservateur sur la question des TET.

L’heure de la rentrée a sonné. Ottawa ne peut plus se contenter de discours ou de promesses vagues. Il doit agir, vite. Faute de quoi, c’est la prospérité du Québec, et celle du Canada, qui sera sacrifiée.